La fin d’un arbitraire ?

Les suspensions de permis de conduire prononcées par un Préfet sont mises sur la sellette. S’il existe de nombreux exemples de violation de la présomption d’innocence et des droits de la défense dans le code de procédure pénale, le summum de l’inadmissible revient sans aucune contestation possible aux articles L224-1 et L224-3 du Code de la Route.

Le problème de ces articles

Ces articles permettent au représentant de l’Etat dans les départements, de prendre des mesures de suspension de permis de conduire à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir commis soit un excès de vitesse de plus de 40 km/h, soit d’avoir conduit avec un taux d’alcool supérieur à 0,40 mg/l d’air expiré. Après une interpellation pour l’une de ces infractions, les forces de l’ordre retiennent systématiquement le permis du conducteur pour une durée de 72 heures. Au-delà et malgré les propos contraires souvent tenus par les gendarmes et policiers, le permis de conduire retrouve automatiquement sa validité. Seule la notification d’un arrêté préfectoral pris dans ce délai de 72 heures, peut proroger cette durée pour une période n’excédant pas 6 mois, avec souvent l’obligation d’une visite médicale à la clé. On comprend parfaitement que cette mesure est inadmissible car elle consiste souvent à sanctionner à titre conservatoire un automobiliste qui sera peut être finalement innocenté par les tribunaux. Pire encore, ces décisions de suspension sont prises par des bureaucrates en fonction de ‘grilles tarifaires’ sans aucune considération du dossier, ni des conséquences de la suspension sur la profession de l’automobiliste. Suspendre 6 mois le permis d’un taxi ou d’un chauffeur routier, où même d’un agriculteur isolé, sans aucune possibilité de recours, n’a jamais posé aucun problème juridique ni de conscience à un Préfet, circulez il n’y a rien à voir !

La fin des décisions de suspensions arbitraires

Un pavé a toutefois (enfin) été jeté dans la mare par le Conseil d’Etat le 2 février 2011. La haute juridiction a décidé en effet de sanctionner la Préfecture de l’Aube, en considérant que la suspension prise contre un automobiliste l’avait été alors que les pièces de la procédure pénale ne permettaient pas de s’assurer qu’il était bel et bien coupable des faits reprochés. La Cour estime en effet qu’il appartient aux Préfets de s’assurer dans chaque affaire, de la valeur probante des éléments transmis par les services de Police avant de prendre leurs décisions de suspension, à défaut de quoi, ils engagent la responsabilité financière de l’Etat pour réparer les préjudices occasionnés. La notion de faute lourde de l’administration est abandonnée. Elle peut ainsi être sanctionnée si elle n’a pas fait preuve une prudence raisonnable. Cette décision doit marquer la fin des décisions de suspensions arbitraires et sans aucune personnalisation de la durée de la mesure. A défaut, les Préfectures devront répondre financièrement de leurs actes en cas de relaxe des automobilistes. Considérant que les tribunaux répressifs prononcent 50 % de relaxes dans  les affaires d’ excès de vitesse et 80 % dans les affaires d’alcoolémie ou de stupéfiants, les Préfectures peuvent se préparer à devoir subir les assauts répétés des avocats de l’automobile, lesquels ne se priveront pas d’attaquer systématiquement devant les tribunaux administratifs pour que leur clients soient indemnisés.

Par Maitre Sébastien Dufour

Pressions sur la répression

Le Gouvernement  se heurte à une résistance imprévue dans sa décision délirante de supprimer panneaux et avertisseurs de radars. La répression routière devient depuis plusieurs semaines l’objet de tensions politiques indéniables.

Les panneaux annonçant les radars automatiques enlevés avant l’été

Alors que Claude Guéant avait finalement courbé l’échine face à la rébellion des députés UMP outrés par l’annonce faite de supprimer les panneaux annonçant les radars automatiques, c’est finalement le Premier Ministre qui a tranché. Le 21 juin dernier et malgré les promesses faites aux députés d’instaurer un moratoire pour étudier les conséquences prévisibles de la suppression de ces panneaux, la décision a donc été prise de les enlever avant l’été. Cela n’entrainera aucune conséquence sur la validité des procédures de verbalisation puisque l’existence même de ces panneaux n’était pas prévue par la loi. Inutile d’espérer soulever un nouveau vice de forme. Il est légitime par contre de se demander pourquoi tout à coup ces panneaux sont supprimés puisqu’en 2003, le Ministère de l’Intérieur  avait clamé à qui voulait l’entendre qu’ils avaient pour vertu d’alerter les automobilistes sur le caractère accidentogène des lieux. A croire que la baisse de rentabilité des machines radar rend subitement moins dangereuses les routes où elles sont installées.

Le retrait des panneaux doit aussi s’accompagner, en théorie, d’une modification de l’article R413-15 du code de la route qui interdit les appareils de détections des contrôles de vitesse. En clair, il est prévu de prohiber tous les dispositifs avertissant de la présence des radars fixes ou mobiles.

Les détecteurs de radars : les prochaines cibles des policiers

Les systèmes Coyote, Inforad ou Avertinoo sont clairement dans le collimateur puisqu’ils permettent d’être prévenu de la présence d’un radar automatique. La mise en application d’une telle interdiction reste néanmoins problématique puisque la fouille d’un véhicule n’est permise que lorsque des conditions très restrictives sont remplies. En effet, une décision du 12 janvier 1977 du Conseil Constitutionnel rappelle que les libertés individuelles et la protection de la vie privée nécessitent qu’il soit fait interdiction aux forces de l’ordre de pouvoir pénétrer sans raison dans un véhicule. La seule possibilité pour les forces de l’Ordre de pouvoir éventuellement fouiller le véhicule serait d’agir dans le cadre de la flagrance, après avoir constaté la présence d’un appareil de détection sur le tableau de bord. Il existe cependant une parade bien connue des avocats de l’automobile pour échapper aux poursuites et récupérer l’appareil éventuellement saisi. Reste à savoir comment les pouvoirs publics vont parvenir à interdire le téléchargement des applications de détection radar dans les téléphones portables, puisque par nature, il devient impossible de les détecter. Les Policiers vont ils vouloir éplucher nos téléphones sur le bord des routes au mépris de nos vies privées? Impossible juridiquement. La loi qui serait ainsi votée ne serait pas sans poser de nombreuses difficultés d’application !

Par Maitre Sébastien Dufour

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